16 mars 2008

Les chroniques tibétaines d'Hélene
DANS LA PEAU D'UNE TIBETAINE

Je m'appelle Dolma, ou Sonam, ou Tseyang ... je suis jeune et je vis dans mon village , à environ 1h de route de Lhassa.
Je suis mariée à un Tibétain du même village et nous avons 2 enfants : eh, oui, 2 , il faut dire que nous sommes favorisés, nous les Tibétains par rapport aux Chinois qui ne peuvent avoir qu'1 enfant .....bien sûr, nous n'avons plus aucune aide pour ce 2e enfant, et je sais que je cours le risque d'une stérilisation forcée en cas de nouvelle grossesse.
Nous habitons avec les parents de mon mari, sa soeur et leur grand mère dans une petite maison en pierre et en terre sèche et nous travaillons dans les champs pour gagner notre vie.
J'aurais aimé faire du commerce, à Lhassa, mais ce n'est plus possible : la plupart des boutiques du vieux quartier commerçant Tibétain du Barkhor, autour de notre temple le plus sacré, le Jokhang, ont été rachetées par des Chinois et les familles Tibétaines qui y vivaient et y travaillaient il y a quelques années ont été refoulées en périphérie de Lhassa dans des immeubles à la chinoise.
Aucune éducation pour nous, l'école primaire et après, plus rien ....nous parlons Tibétain, un peu Chinois, mais pas assez pour continuer à faire des études et puis nous n'avions pas les moyens ...juste assez pour vivre et aider à la reconstruction du monastère local détruit pendant la révolution culturelle.
Evidemment, pour vous, Occidentaux, cela peut paraitre illogique de faire des dons au monastère alors que n'avons que le strict minimum, mais pour nous c'est une façon d'acquérir des mérites et d'obtenir l'aide de nos divinités protectrices. Comment accepter l'invasion, l'oppression, la destruction de notre culture et de notre religion, la mort ou l'emprisonnement d'êtres chers si nous n'avions pas la foi et l'espoir d'un futur meilleur ?
Ce futur, nous voudrions le connaitre ici, avec nos enfants ... mais l'avenir semble bien noir : que garderont ils de notre culture ancestrale dans cet environnement totalement sinisé ?
Sans éducation poussée, leurs repères disparaissant peu à peu, sauront ils résister aux sordides moyens employés , comme dans tous les états colonisateurs, pour les avilir : l'alcool à bas prix, les bordels des nouveaux quartiers de Lhassa ...
Alors, pour nous se pose une question : devons nous les envoyer en Inde où ils pourraient recevoir une éducation Tibétaine dans les TCV ( Tibetan Children Village) créés par le Gouvernement en exil du Dalai Lama ?
Cela suppose de les accompagner pour la traversée de l'Himalaya, par des cols enneigés toute l'année, pendant plusieurs semaines au péril de leur vie et de la notre, pas uniquement à cause du froid , mais aussi du fait des soldats chinois qui surveillent de jour comme de nuit les voies de passage vers le Népal et qui n'hésitent pas à tirer dans le dos des fuyards.
Si nous réussissons à passer, cela suppose aussi de les laisser dans ces TCV et de revenir sans eux au Tibet où nous attend le reste de la famille et où nous subirons les interrogatoires poussés et les représailles des autorités chinoises locales vexées d'avoir laissé fuir des Tibétains.
Mais, aujourd'hui, cette question n'est plus d'actualité, Lhassa est sous loi martiale, quadrillée par la police et l'armée, et les Tibétains se terrent chez eux, cachant comme ils le peuvent les photos du Dalai Lama interdites par les chinois et qui peuvent nous valoir des années de prison si elles sont découvertes par les patrouilles de police susceptibles de frapper à notre porte de jour comme de nuit ...
Peut être rencontrerez vous encore d'autres Tibétains qui , comme moi, auront envie de s'épancher, écoutez les si vous en avez envie...
Dolma, ou Sonam, ou Tseyang ...

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